Solaire photovoltaïque et véhicules électriques : quelles synergies ?
Malgré un contexte mondial profondément ébranlé, l’année 2020 marque de nouveaux records pour le solaire photovoltaïque (PV) : la capacité installée devrait atteindre un plus haut historique, autour de 128 GW[1]. L’industrie a prouvé qu’elle pouvait produire à des prix toujours plus bas, comme en témoigne le médiatique appel d’offre au Portugal, qui a mené à un tarif record de 11.14 €/MWh pour un des lots.
Ces avancées majeures ont été permises par des efforts industriels lourds, des progrès technologiques constants et la mobilisation de capitaux importants et peu chers. Ces facteurs portent la pénétration du PV dans les systèmes électriques et font émerger de nouveaux défis pour les gestionnaires de réseaux : ces-derniers doivent faire face à l’intermittence des énergies renouvelables distribuées. On peut songer au cas Californien : mi-août, le gestionnaire de réseau a dû réaliser d’importants délestages pour éviter le black-out. La production PV chutait au coucher du soleil, à l’inverse de la consommation des climatiseurs…
Ces gestionnaires de réseau s’attachent donc à renforcer leur arsenal de services pour assurer l’équilibre du réseau : capacités de stockage, mécanismes d’effacement. La question se pose de comprendre quel apport les parcs de véhicules électriques (VE) peuvent avoir dans l’intégration de capacités PV au réseau ?
Le développement des véhicules électriques est fortement encouragé par les pouvoirs publics, à travers des politiques de prime à l’acquisition comme c’est le cas en France, ou de subvention à l’innovation. Les efforts de la recherche sur l’amélioration des batteries lithium-ion augurent une baisse significative des prix de ces véhicules, comme l’illustre les annonces récentes de Tesla[2]. Le prix des VE en cycle de vie complet devrait arriver à parité avec les véhicules thermiques dans la décennie. Stimulés par cette baisse des prix, les ventes de VE (dont véhicules hybrides) pourraient constituer 52% des ventes de véhicules neufs à l’échelle mondiale en 2030, selon une étude du BCG[3]. La percée rapide de ces véhicules interroge quant à leurs interactions avec la production d’origine PV, connectée au même réseau. On peut retenir quelques axes majeurs.
Le premier axe viserait à inciter les consommateurs à recharger leur VE, partiellement pilotable, à des heures en fonction de la production PV, dont son maximum est atteint au zénith. EDF, par exemple, déploie des infrastructures de charges de VE assez flexibles pour maximiser l’appel en heures creuses, et ainsi lisser le pic journalier de consommation. Ce pilotage soulève de nombreuses questions : quel rôle, actif ou passif, pour le consommateur ? Quel doit être l’objectif poursuivi : minimiser le coût de la charge, ou son emprunte carbone ? Quelles que soient les réponses retenues, l’existence d’un parc de VE significatif devrait permettre d’intégrer une part plus importante de PV au réseau, en en captant la production.
Une deuxième piste tient dans la possibilité, pour les VE, d’injecter l’électricité de leurs batteries dans le réseau. Cette technologie de vehicule to grid, abrégé V2G, ouvre de nouveaux modèles. A condition que leurs batteries puissent souffrir un nombre important de cycles de charge, les VE pourraient jouer le rôle d’un stockage stationnaire distribué, à la capacité importante et pouvant rendre de précieux services au réseau. Si, fin 2018, le stockage par STEP comptait encore pour 94% de la capacité mondiale de stockage[4], la réactivité des systèmes V2G leur permet de participer à la régulation de la fréquence du réseau. En outre, quand les écarts de prix journaliers – globalement accentués par une large pénétration du PV – le justifient, les VE pourraient procéder à des arbitrages temporels. Ils stockeraient ainsi la production du PV aux heures d’irradiations, pour la réinjecter en fin de journée. On a bien là une synergie : cet arbitrage peut générer un revenu pour les propriétaires de VE, même si leur place dans les mécanismes de marché actuels doit être définie. De l’autre côté, le réseau se trouve stabilisé, et peut accueillir plus de capacités PV en réduisant les problématiques de congestion la journée, et en augmentant la capacité d’injection le soir.
Les projets de V2G sont aujourd’hui au stade d’expérimentation. Le marché manque en 2020 de profondeur, et nécessite de déployer des infrastructures de charge et de communication coûteuses. Enfin, les modèles d’affaires sont encore à définir avec une meilleure répartition des rôles d’agrégation. On voit cependant le potentiel qu’ils représentent : en décarbonant la mobilité individuelle, ils contribueraient à décarboner et renforcer nos systèmes électriques.
Par Antonin De La Motte.
[1] 3Q 2020 Global PV Market Outlook, Bnef estimation centrale
[2] Tesla Battery Day, 22/09/2020
[3] Who Will Drive Electric Cars to the Tipping Point?, BCG, January 2020
[4] The world’s water battery: Pumped hydropower storage and the clean energy transition, IHA, December 2018
Article précedent